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Juan Diego Florez, Cenerentola au masculin
Jacques Duffourg, Altamusica, 21 March 2002

Quel est votre répertoire actuel ?

Jusqu'à ce jour, j'ai vraiment chanté beaucoup de rôles. C'est La
Somnambula bellinienne que j'ai interprétée le plus, avec également Il
Barbiere in Seviglia, L'Italiana in Algeri et Falstaff (au Châtelet, l'
an passé). J'ai abordé aussi pas mal d'autres Rossini : Semiramide, La
Dona del Lago, Othello, la très rare Elisabetta . Et la Maria Stuarda de
Donizetti.

N'est-ce pas beaucoup ?

En fait, non. Il ne faut pas oublier que j'ai presque six ans de
carrière derrière moi pour une trentaine de rôles, qui ne sont pas venus
en même temps : j'ai donc eu le temps de les étudier. Vous voyez qu'au
final, cela ne fait pas tant que cela. Maintenant, il y en a bien sûr
que je connais mieux que d'autres, pour les avoir chantés encore et
encore, comme Il Barbiere. D'autres n'ont été chantés qu'une seule fois,
comme Maria Stuarda. Et je n'ai vraiment pas envie de m'enfermer dans
quelques-uns. Le répertoire pour mon type de voix est fabuleux, j'ai
envie de tout chanter - et de présenter au public ma vision de chaque
personnage.

Pensez-vous avoir fait des erreurs dans votre jeune carrière, avoir
accepté des propositions qui ne vous convenaient pas ?

Pas vraiment d'erreur, car mon professeur et « mentor », Ernesto
Palacio, est toujours de bon conseil. Il a lui-même chanté la plupart de
ces rôles avant, il sait donc parfaitement ce qui convient à ma voix et
ce qui ne lui convient pas. J'ai dû, je pense, chanter deux opéras qui n
'étaient pas idéaux pour moi, mais c'était une bonne chose, malgré tout,
de les aborder une fois. Il y a eu Gianni Schicchi, que j'ai accepté
parce que c'était à Vienne. Puccini demande un autre type de voix que la
mienne, plus centrale. Et aussi Alahor in Granata de Donizetti, qui
demande une émission très héroïque, très basse, très agressive : j'ai
accepté parce que c'était au disque, je sais que je ne le ferai plus.
Mais cela m'a permis de mieux connaître mes possibilirtés.

Comment avez-vous découvert votre voix ?

Ce ne fut pas une révélation. Je chantais beaucoup de musique populaire
avant de me lancer dans le répertoire classique. Au Conservatoire à
Lima, j'ai voulu en apprendre plus sur la musique vocale et sur le
chant, c'est là que j'ai découvert ma voix. En fait, je voulais être
musicien avant de décider de devenir chanteur. Je suis allé à
Philadelphie, aux Etats-Unis, je savais déjà que je voulais devenir un
chanteur lyrique. Les choses sont venues naturellement, d'elles-mêmes. A
Lima, les premiers airs que j'ai appris, étaient des airs de Mozart ou
Haendel - je venais d'avoir dix-huit ans. A Philadelphie, j'ai commencé
à participer à des opéras mis en scène, comme I Capuletti e i Montecchi,
Il Viaggio a Reims, ou encore Il Barbiere. Mais dans ma tête, il n'était
pas clair encore que j'étais prédisposé à Rossini, au bel canto
romantique. C'est quand j'ai commencé à prendre des cours avec Ernesto
Palacio que j'ai pris conscience de cette affinité. Lui m'a fait
comprendre que mon répertoire naturel était celui-là. C'est vrai que les
jeunes chanteurs n'ont pas toujours une parfaite intuition de leurs
possibilités !

Comment avez-vous travaillé pour avoir la voix qui est actuellement la
vôtre, en particulier cette facilité d'émission évidente dans Rossini ?

Mes aigus sont venus avec le temps. J'ai très vite vu que je les avais ;
bien sûr, ils n'étaient pas encore ce qu'ils sont maintenant, mais je
les ai toujours eus. Quand par exemple, j'ai chanté mon premier rôle
professionnel à Pesaro, dans Matilda di Shabran, j'avais les aigus
nécessaires, mais ils étaient moins contrôlés, moins brillants, moins
purs. Maintenant, j'arrive à une certaine clarté, mais ils ont toujours
été là. Ernesto Palacio m'a beaucoup aidé, encore, dans ce domaine ;
comme il m'a beaucoup aidé à devenir plus expressif, à soigner mes
lignes et mes phrases.

Quels sont vos modèles de chant ?

J'admire beaucoup Pavarotti et Kraus. Parmi les sopranos, il y a
par-dessus tout Montserrat Caballé : quand j'entends un air de Bellini
par elle, je me demande toujours quelle serait la réaction du
compositeur s'il entendait sa musique chantée de façon aussi belle,
aussi sensuelle. J'aime aussi beaucoup Natalie Dessay, avec qui j'ai
déjà abordé La Somnambula. Marylin Horne aussi, nous sommes amis, je l'
aime beaucoup. Maintenant, il y a Daniela Barcelona, une chanteuse
italienne, qui chante Tancredi, etc... C'est pour moi l'une des
meilleures spécialistes de ce répertoire, elle a vraiment une grande
voix, parfaite dans les rôles travestis. J'ai aussi chanté avec Cecilia
Bartoli, mais elle s'est lancée dans une autre direction, maintenant !
Charles Workman est un très bel artiste, il chante Rossini aussi bien
que Mozart ; mais lui est baryténor - nous sommes différents !

Des difficultés spécifiques à Bellini, en particulier dans I Puritani et
ce rôle d'Arturo que vous allez très bientôt aborder ?

Les lignes ! Les phrases y sont extrêmement longues, il faut donner la
sensation de totale aisance et de splendeur, le tout avec la simplicité
de l'évidence. Jamais on ne doit donner l'impression de respirer. Les
notes aiguës viennent à la fin de ces longues phrases (parfois déjà
elles-mêmes dans l'aigu) ; en soi elles sont difficiles, mais il faut -
en plus - les placer avec naturel sans s'essouffler, de sorte qu'elles
sonnent avec beauté ! C'est pareil pour La Somnambula. Je me frotterai
aux Puritani pour la première fois à Las Palmas, en 2004.

Pensez-vous avoir un rôle à jouer en faveur de Bellini, l'aider à lui
redonner sa juste place ?

Peut-être. Je pense pouvoir déjà aider à montrer tout d'abord qu'il s'
agit d'un compositeur complet. Peu de personnes prennent la peine d'
écouter I Puritani ou La Somnambula de façon globale, pas seulement les
parties vocales. Quand on prend la peine de bien écouter, on se rend
compte qu'il est aussi un grand orchestrateur.

Et Verdi ? Vous chantez bien le Duc de Mantoue de Rigoletto.

C'est peut-être le seul Verdi que je ferai au cours de ma carrière, avec
Fenton de Falstaff naturellement.

Quant au répertoire français ? Vous chantez merveilleusement notre
langue !

[Sourire] Le répertoire français est plus lourd. Je vais attendre un
peu, mais il est clair que je vais l'aborder. Pourquoi pas les Pêcheurs
de Perles ? On me l'a proposé à Vienne, mais quand j'ai vu la partition,
j'ai décidé d'attendre. Pour ce qui est de l'accent, je suis souvent à
Paris, je travaille avec des régisseurs français qui me disent parfois
comment prononcer. Je parle français avec les gens, et j'apprends comme
cela. Michele Pertusi, par exemple, parle un français merveilleux, il a
un don naturel pour l'imitation.

Quels sont vos projets pour l'avenir proche ?

Peu de prises de rôles. Par exemple, je ne vais pas chanter beaucoup de
Mozart. J'espère que j'en ferai, cela va de soi, mais il n'y a rien de
prévu pour l'instant. Pour ce qui est de la France, vous m'entendrez à
Paris dans L'Italiana in Algeri et La Cenerentola (deux reprises de
Garnier, NDLR). et à Montpellier, au Festival Radio France, je donnerai
La Dona del Lago - comme à Pesaro en 2001.

Avez-vous le temps de vous consacrer à autre chose que le répertoire
lyrique ?

Malheureusement non, car mon agenda est rempli jusqu'en 2005,
pratiquement avec les seules productions lyriques. Je joue du piano, pas
assez bien pour faire carrière, mais suffisamment pour travailler mes
partitions. Il m'arrive aussi de jouer Chopin pour mon plaisir. J'aime
énormément la musique traditionnelle péruvienne : j'ai donc réalisé,
également, des transcriptions de chansons traditionnelles de mon pays, c
'est l'un des mes « hobbies ». Il y a bien des compositeurs
« classiques » parmi mes compatriotes que j'aimerais faire découvrir. Je
les présente dans mes récitals avec piano, mais oui, vraiment, j'
aimerais en faire plus.

N'avez-vous pas peur que la signature de votre contrat avec Decca (le
premier de ce label avec une voix de ténor depuis Pavarotti) ne vous
soumette à trop de pression ?

Non, car j'ai signé ce contrat en ayant chanté dans les plus grands
opéras du monde : Vienne, Paris, Londres, New York, Milan, etc... On
peut mener une carrière intéressante sans ce type de contrat, mais j'ai
des idées bien précises ! Je voulais faire ce disque d'airs d'opéras de
Rossini - et plus tard, quand j'aurai le temps de me préparer sera venu,
je ferai un opéra intégral. Il y a des projets avec ce compositeur,
assurément, mais rien n'est décidé. Vous vous doutez que j'aimerais bien
le servir, mais il faut d'abord qu'on en parle avec l'éditeur !
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This page was last updated on: February 3, 2003