REVIEWS Concert, La Monnaie, Brussels, 17 February 2006 |
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Florez, tenorissimo, La Libre Belgique, 21 February 2006 Les aigus de Juan Diego Florez illuminent Rossini, Le Monde, 19 February 2006 ______________________________________________________________ |
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Florez, tenorissimo Nicolas Blanmont, La Libre Belgique 21 February 2006 À quoi mesure-t-on la célébrité d'un chanteur? Au pourcentage de la soirée qu'il assure lui-même quand il donne un récital: plus il est fameux, moins il chante. Juan Diego Florez est désormais une star: pour entendre le ténor péruvien chanter six airs vendredi à la Monnaie - plus deux en rappels, pour être honnête -, il aura fallu patienter pendant cinq ouvertures ou sinfonie d'opéra jouées par l'Orchestre symphonique de la Monnaie. Et comme, autre axiome du genre, le principe des vases communicants commande que le cachet du chef soit inversement proportionnel à celui du soliste, on place généralement au pupitre une personnalité assez jeune et bien moins connue, le résultat pouvant varier du meilleur au pire. Ce ne fut ni l'un ni l'autre vendredi avec Christopher Franklin, élève de Peter Maag et Gianluigi Gelmetti: sans esprit, voire pesant dans Mozart, le chef américain montre une belle énergie dans le répertoire italien, avec de la tension dramatique dans «La favorita» et une habileté pour faire monter la sauce dans «Semiramide». A dire vrai, même pour son anniversaire, Mozart n'aurait pas dû être convié à la Monnaie l'autre soir. Florez n'y est pas non plus dans son élément naturel: son air du portrait est trop lent, la diction allemande de son Tamino est incertaine et, si les phrasés sont splendides, le style est trop belcantiste pour de l'opéra allemand. «Il mio tesoro» de Don Ottavio lui sied un peu mieux, surtout parce que la langue italienne lui vient avec plus de naturel. La voix, plus épanouie, en est comme libérée, même si l'expressivité reste convenue. Le Péruvien est, par contre, homme de bel canto: de Bellini (Tebaldo dans «I Capuleti e i Montecchi») à Donizetti (Fernando dans «La favorita»), on admire la qualité de l'intonation, la conduite des phrases, l'expressivité, la richesse des nuances, le contrôle du souffle et ces aigus lumineux. Du miel! Dans le bouquet final, Rossini (Narciso de «Il Turco in Italia», Idreno de «Semiramide» et, en premier bis, le Comte du «Barbier») permet d'ajouter à cette démonstration la maîtrise de la virtuosité dans les vocalises. Verdi («La donna è mobile») viendra confirmer cette éclatante santé, avec même quelques notes tenues plus que de raison: inacceptable sur une scène d'opéra mais, en récital, pourquoi priver de ce plaisir un public enthousiaste? Les aigus de Juan Diego Florez illuminent Rossini Marie-Aude Roux, Le Monde, 19 February 2006 La salle du Théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, est restée de longues minutes debout après le dernier aigu poussé par Juan Diego Florez jusqu'aux limites du souffle. Grâce soit rendue à la célébrissime "La dona e mobile" du Rigoletto de Verdi, qui remplit si bien son office et soulève les coeurs : jusque dans ce tube, le jeune ténor péruvien, attendu à Paris le 20 février, a du style et de la classe. Les airs de Mozart, en début de récital, n'avaient pourtant pas convaincu. Le Tamino de La Flûte enchantée dans l'air du portrait de Pamina ("Dies Bildnis ist bezaubernd schön") avait trop de mordant et pas assez de ce legato mozartien porté par le mouvement du coeur et non par le fait du souffle. Dans Don Giovanni, le tendre Ottavio prenait dans l'aria "Il mio tesoro" des allures de sicaire vengeur. Car la voix de Juan Diego Florez est une dague. Elle allie le fier tranchant de la lame à la douceur sensuelle du coup adroitement porté. Et de l'adresse, le tenorino, comme on dit à Naples en parlant des ténors lyriques légers, n'en manque pas, qui se joue des sidérantes vocalises du bel canto rossinien. Couleur, phrasé, agilité, puissance, Florez possède tout. Ses aigus éclatent comme des soleils, ses vocalises jaillissent de lui comme une source vive. EBLOUISSANT D'AISANCE Certes le "Spirto gentil", extrait de La Favorita de Donizetti, s'écoutait un peu trop chanter. Mais Rossini trouve en Florez un maître. Dans Il Turco in Italia ("Intesi, ah ! tutto intesi") comme dans Semiramide ("La speranza più soave"), le digne successeur de Luigi Alva et d'Ernesto Palacio (comme lui, ténors et péruviens) est éblouissant d'aisance et de morgue tranquille. Dans le trait virtuose, il lui prend parfois comme une houle, un petit émoi dandiné des reins qui plaît aux dames. Direction à l'emporte-pièce, le chef d'orchestre américain Christopher Franklin a interprèté Mozart comme Rossini, Rossini comme Weber. L'Orchestre de la Monnaie a payé comptant et en grosses coupures son tribut d'ouvertures d'opéras - pas moins de cinq, dont la dernière, la "sinfonia " de Semiramide, a paru interminable. A son crédit, on peut dire que Franklin sait accompagner une voix, ce qui n'est déjà pas si mal. Ce "récital club sandwich", un rien frustrant, n'aura pas trop fatigué le chanteur avant son concert parisien dans la série "Les Grandes Voix". Il s'y produira accompagné seulement au piano, ce qui permettra sans doute de l'entendre davantage. Peut-être y aura-t-il même, parmi les cinq bis prévus, une de ces chansons populaires que Juan Diego Florez chantait à ses débuts, la guitare à la main, dans les bars et les boîtes de Lima. Il vient d'en publier un florilège chez Decca, avec orchestre, guitare et bandonéon, sous le titre de Sentimient O Latino. |
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