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REVIEWS Orphée et Eurydice, Opéra Berlioz, Montpellier, January 2008 |
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Photo from Le Midi Libre, 31 January 2008 La funèbre descente d'Orphée dans les enfers, Le Midi Libre, 31 January 2008 Les frères Alagna revisitent «Orphée et Eurydice», Le Figaro, 31 January 2008 _____________________________________________________________________ |
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La funèbre descente d'Orphée dans les enfers Jean-Marie Gavalda, Le Midi Libre, 31 January 2008 Trois castrats pour sa création à Vienne en 1762, trois sopranos dans la version Berlioz, un livret en italien puis en français, des airs de bravoure et de danses que greffent les chefs (Toscanini) ou les interprètes (Pauline Viardot) selon leurs caprices : l'Orphée et Eurydice de Gluck est une oeuvre à géométrie très variable. Un opéra que l'on assortit parfois d'un ballet : ce sera le cas à l'opéra de Paris à partir du 4 février dans la chorégraphie de Pina Bausch. A Montpellier, une autre star, Roberto Alagna, se confronte au mythe d'Orphée. Que bouscule la mise en scène de son frère David Alagna. En "toilettant" la partition de Gluck, un prologue ajouté, emprunté au compositeur, ailleurs quelques airs éradiqués, ou encore un rôle de soprano (le Guide) confié à un baryton, la famille Alagna entre à son tour dans la riche histoire de l'oeuvre. Pour une version vocalement allégée. Mais lourde côté théâtre. David Alagna ne croit pas à la résurrection finale d'Eurydice qu'Orphée arrache des enfers. Aux machineries baroques qui autorisent tous les miracles, toutes les facéties, lui préfère un réalisme sombre, dramatique. Orphée perd ici la vie dans un accident de la route avant de rejoindre une morgue, antichambre d'un séjour des ombres réfrigéré. L'opéra s'organise comme un cortège funèbre dans le sillage d'un imposant corbillard roulant sur scène (non ce n'est pas la Phaeton de fonction du surintendant René Koering). Avec un enterrement façon Coppola (Le Parrain), des spectres blancs inspirés par Cocteau (Orphée), et une Eurydice qui s'excite sur les carrosseries comme chez Cronenberg (Crash), David Alagna brasse une imagerie cinématographique tous azimuts. Malgré quelques jolies visions (la représentation onirique de l'enfer), et un parti pris mené jusqu'au bout avec cohérence, la mise en scène pèse autant que le cercueil recouvrant au final le duo. Ce registre poignant convient à Roberto Alagna, Orphée sincère. Sous son phrasé impeccable, Gluck sonne comme chez Massenet ou Gounod. Le fameux "J'ai perdu mon Eurydice" est d'une élégance qui n'appartient qu'à Alagna. L'Eurydice de Serena Gamberoni reste quant à elle très baroque, belle, énergique, roucoulant délicieusement le français. Proche de la version originale, elle se retrouve cependant vocalement décalée. Marc Barrard, ordonnateur des pompes funèbres, est lui dans le ton : sa voix de baryton troue les ténèbres dans lesquelles il guide Orphée. Sous la baguette sensible de Marco Guidarini, choeur et orchestre prennent les nuances mélancoliques de Gluck. Orphée et Eudydice est un opéra charnière annonçant le romantisme. Que cette production montpelliéraine pousse à une extrémité. Les frères Alagna revisitent «Orphée et Eurydice» Jean-Louis Validire, Le Figaro, 31 January 2008 Après Bologne, c'est Montpellier qui présentait l'«Orphée et Eurydice» de Gluck, mis en scène par David Alagna et chanté par son frère Roberto. Dans la famille Alagna, tout le monde connaît Roberto, le chanteur dont la réputation a largement dépassé le monde de la musique classique comme il l'a prouvé en « ressuscitant » Luis Mariano au disque . Roberto, fidèle à l'image traditionnelle de la fratrie italienne ne vit pas sa passion isolé. Il a toujours associé ses proches à son succès, servant de locomotive aux ambitions artistiques de ses deux jeunes frères, David et Frédérico, nés douze et treize ans plus tard. Autodidactes de talent, comme leur glorieux aîné, les deux jeunes gens ont mené leur barque dans le sillage du ténor. David a appris la musique. Guitariste et arrangeur, il est aussi compositeur et a écrit pour son frère Le Dernier Jour d'un condamné , d'après le poème de Victor Hugo. Avec son frère, peintre et graveur, il a également participé à la mise en scène, depuis leurs débuts il y a près de dix ans, de l' Amico Fritz à Monte-Carlo. «En raison de la différence d'âge, Roberto a eu une attitude paternelle et nous a amenés avec lui dans les coulisses, nous assurant ainsi une formation privilégiée sur le tas», se souvient David, qui est cette fois-ci seul à assumer la production moderne d'Orphée, d'abord présentée au Teatro comunale de Bologne. Une gageure et un défi, tant les mésaventures de Roberto, qui avait dû quitter la scène de la Scala de Milan lors de la première d'Aïda, sont encore vivaces dans un pays où l'opéra est aussi une religion. Mais le chanteur n'est pas homme à baisser les bras. «C'est un meneur d'équipe enthousiaste, il partage, il donne, il se livre» , constate, admiratif, son frère, qui a réussi à l'entraîner dans une relecture d'Orphée particulièrement ambitieuse et provocante. Pas de fin heureuse C'est bien entendu la version chantée en français qui a été choisie. Elle a été écrite par Gluck pour le haute-contre Joseph Legros, contrairement à la version viennoise, chantée en italien pour voix d'alto. David Alagna s'est lancé dans un subtil et difficile travail d'adaptation pour faire cadrer le chant à sa conception. Il transpose l'action aujourd'hui et fait mourir Eurydice, le jour de son mariage, dans un accident d'automobile. La quête d'Orphée pour retrouver sa bien-aimée est en fait un rêve qui commence et s'achève au cimetière. Pas de fin heureuse dans cette lecture. En revanche, une caractérisation des personnages nouvelle. Première surprise, Amour est confié à un baryton et devient un employé des pompes funèbres qui sert de guide à Orphée. Celui-ci perdra définitivement son amour en se retournant. Beaucoup d'ambition pour un spectacle qui peine à convaincre. Certes, Roberto Alagna, que l'on n'attendait pas forcément dans un tel rôle, met son grand talent au service de la production. Une vitalité étonnante, un timbre et surtout une diction irréprochable, magnifique et toujours inégalée, à tel point qu'elle fait paraître celle de sa partenaire féminine, Serena Gamberoni, trop imparfaite. Marc Barrard, Amour transformé en guide, plaît si l'on rentre dans la logique du metteur en scène. L'Orchestre national de Montpellier, sous la direction de Marco Guidarini, est, en revanche, bien placé et dans le dynamisme de l'uvre, contrairement à des churs vraiment dépassés. Bien reçue par le public de Montpellier, mieux en tout cas qu'à Bologne, la mise en scène a du mal à rendre crédible l'ambition de départ. Dans des décors volontairement noirs, on frise parfois le grand guignol dans une conception qui paraît par moments très artificielle. |
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