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Faust, Chorégies d'Orange, August 2008
Inva Mula (Marguerite) and Roberto Alagna (Faust),  Chorégies d'Orange, August 2008
Photo by Ange Esposito


          Inva Mula et Alagna se brûlent au feu de l'amour, La Provence, 4 August 2008
          Chorégies d'Orange: un "Faust" de Gounod intimiste et élégiaque, Agence France-Presse, 4 August 2008
          Faust: La griffe des Chorégies, Les Echos, 5 August 2008
          Les Chorégies offrent un «Faust» en demi-teinte, Le Figaro, 4 August 2008
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Inva Mula et Alagna se brûlent au feu de l'amour
Olga Bibiloni, La Provence, 4 August 2008

Une deuxième jeunesse en échange de la loyauté éternelle... Méphistophélès négocie ce pacte avec le docteur Faust, enfermé autant dans un corps vieilli que dans les murs d'un cabinet où il ne songe plus qu'à la mort. L'élégance de Méphistophélès, seigneur enveloppé dans une cape doublée d'un rouge feu, sa silhouette longue, son port de tête supérieur, suggèrent à eux seuls qu'il sera, dans cette oeuvre de Charles Gounod, l'unique maître du jeu.

René Pape, impressionnant et en parfaite maîtrise de son apparence glaciale, fait rêver Faust-Roberto Alagna, l'entraînant dans le souvenir de ses anciennes maîtresses. Ainsi commence l'opéra inspiré par la monumentale tragédie de Goethe. Et ce Faust ragaillardi par le Diable est bien dans l'énergie de la renaissance. Mais on aurait pu s'attendre à ce que Roberto Alagna donne plus de profondeur à ce personnage englué dans son association maléfique autant que dans son amour pour les plaisirs de la vie. Par son aisance décontractée, il finit toutefois par être convaincant.

L'efficacité de son inusable charme. Et ça marche, sur le public comme sur Marguerite, incarnée par l'époustouflante Inva Mula. Sur le plateau du Théâtre antique d'Orange, d'autres statues ont rejoint celle d'Auguste. Elles surmontent de grandes orgues sous lesquelles l'action va se dérouler en un prologue et quatre actes. Pour cette pièce événementielle mise en scène par Nicolas Joel, les Chorégies ont séduit comme d'ordinaire, réunissant plus de 7 500 personnes face au demi cercle où prend place l'Orchestre philharmonique de Radio France, magistralement dirigé par Michel Plasson.

Dans les gradins, quelques têtes connues (de Julie Depardieu, cheveux hérissés de fleurs, à Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports). Et des centaines de fans de Roberto Alagna qui, à la fin du spectacle, viendra serrer des mains comme une rock star. L'air des bijoux (le célèbre "Ah je ris de me voir si belle en ce miroir" que Bianca Castafiore a popularisé grâce aux aventures de Tintin), la scène de l'étreinte entre Faust et Marguerite, d'une grande sensualité, la mort bouleversante de l'héroïne, le crâne rasé et le coeur en miettes...

Autant de moments forts qui font apprécier la mise en scène, pourtant fort classique, de Nicolas Joel. Egalement efficaces, la force des choeurs (une union à plusieurs, rendue homogène par le travail de Patrick Marie Aubert), le tourbillon des costumes (tous réalisés par les ateliers du théâtre du Capitole), la virevoltante exubérance des scènes de groupes. Les artistes ont reçu leur triomphe, réel sans être démesuré, avec grâce dimanche vers 1h30 : Marie-Nicole Lemieux (Dame Marthe) très émue, René Pape (Méphisto) royal, Jean-François Lapointe (Valentin) recueilli, Inva Mula agenouillée face au public, Roberto Alagna, saluant de la main. Souriant, toujours.
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Chorégies d'Orange: un "Faust" de Gounod intimiste et élégiaque
Agence France-Presse, 4 August 2008

Les Chorégies d'Orange 2008 s'achèvent sur une nouvelle production intimiste et élégiaque du "Faust" de Charles Gounod, étrennée samedi soir en plein air avec succès, dans le théâtre antique de la ville, devant pas loin de 8.000 spectateurs.

Après la "Carmen" de Georges Bizet, qui a ouvert cette année les Chorégies, "Faust" d'après la tragédie de Goethe est l'opéra français ayant le plus de succès dans le monde.

Créé dans sa version avec récitatifs en 1869, il est présenté pour la huitième fois devant le mur acoustique du théâtre romain d'Orange.

La dernière production y remontait à 1990 et elle avait comme artisans deux Français, Nicolas Joel (mise en scène) et Michel Plasson (direction musicale). On retrouve cette année la même équipe, avec distribution vocale et orchestre différents (le Philharmonique de Radio France, au lieu de l'Orchestre du Capitole de Toulouse).

Ce "Faust" 2008 diffère par maints aspects de celui de 1990, dominé par la personnalité du baryton belge José Van Dam, qui menait le bal.

La direction de Plasson détaille particulièrement la partition de Gounod et le Philharmonique de Radio France lui répond avec une précision raffinée.

Nicolas Joel fait pleins feux sur l'amour tragique de Faust et Marguerite, les masses chorales étant mises à contribution pour le côté spectaculaire.

La distribution 2008 est plus homogène, avec le populaire ténor français Roberto Alagna, à la prosodie exemplaire, dans le rôle du docteur mythique aux prises avec les problèmes d'un retour à la jeunesse et les péripéties de l'amour. La soprano albanaise Inva Mula est une touchante Marguerite et la basse allemande René Pape chante un élégant et railleur Méphisto.

Les costumes Renaissance allemande font place à des tenues vestimentaires germaniques du XIXe siècle. Méphisto a bien une plume rouge piquée sur son haut de forme noir, mais c'est pour faire signer à Faust le pacte les liant.

Le plateau est dominé par une monumentale tribune d'orgue avec sa tuyauterie, ses tourelles et ses claviers cernés par une galerie, pour sans doute suggérer le grand questionnement sur Dieu du docteur Faust, au départ de l'oeuvre.
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Faust: La griffe des Chorégies
Michel Parouty, Les Echos, 5 August 2008

Le problème, au Théâtre antique d'Orange, c'est le mur. Chargé d'histoire, imposant. Un orgue gigantesque dont les tuyaux en exaltent la verticalité, tandis que le balcon de la tribune s'étend horizontalement : voilà le décor unique qu'a conçu Nicolas Joël, scénographe et metteur en scène de cette nouvelle production de «Faust». Une image riche de sens, qui renvoie sans doute aux aspirations spirituelles du jeune Gounod, mais avant tout au poids de la religion qui écrase les protagonistes, à commencer par Marguerite. Un livre enluminé évoque, lui, la science, qui n'a pas su combler la vie du vieux docteur. Une conception simple et efficace, s'accordant à la dimension du lieu. Acrobates, défilés à la lueur de torches : les amateurs de spectaculaire sont gâtés, d'autant plus que les masses chorales réunies pour l'occasion, venues des Opéras d'Avignon, Nice, Toulon, Toulouse, ne ménagent pas leurs efforts. La kermesse est mouvementée et colorée, la Nuit de Walpurgis (sans son ballet) passablement kitsch.

«Faust» fait partie de ces piliers du répertoire que le public adore ; il en connaît les airs (entre autres celui « des bijoux », succès éternel de Bianca Castafiore), et attend les chanteurs au tournant. Siebel, ce soir, est un ténor, au lieu de l'habituel mezzo-soprano ; Xavier Mas se montre touchant dans ce personnage fragile (mais pourquoi est-il infirme?) sans cesse bousculé par son entourage. Vocalement somptueuse, la Dame Marthe de Marie-Nicole Lemieux est irrésistiblement drôle et Nicolas Testé donne du relief aux brèves interventions de Wagner. Le Valentin de Jean-François Lapointe est fier, soldat brave mais sans arrogance, et son « Invocation » est bien projetée. René Pape, maniant adroitement un éventail à la Lagerfeld, campe un Méphisto élégant et cynique ; on aimerait un registre inférieur plus nourri, mais la ligne musicale est probe, et l'interprète évite d'en faire des tonnes.

Un dynamisme bondissant

Loyal, Roberto Alagna l'est, assurément, et ce n'est pas parce que le contre-ut de la cavatine lui échappe qu'il faut lui en vouloir. Son Faust, dramatiquement, n'est pas très fouillé, il lui offre sa jeunesse, son dynamisme bondissant - il s'amuse comme un gamin à faire la roue. Il lui apporte surtout cette diction miraculeuse, cette clarté dans l'énonciation des mots, cette noblesse de phrasé, ces nuances qui le rendent unique et, même lorsqu'on le sent moins à l'aise, cette voix qui touche immédiatement l'auditeur.

A ses côtés, Inva Mula, au timbre argenté, est la plus musicale et la plus rayonnante des Marguerite ; son air « de la chambre » est un moment d'intense émotion, comme le duo du jardin, digne d'une anthologie.
Michel Plasson, pour qui ce répertoire n'a plus de secret, obtient du Philharmonique de Radio France un tissu sonore dont la transparence n'exclut pas la puissance. Un spectacle populaire comme le public d'Orange les aime, au service d'un ouvrage qui demeure, quoi qu'en disent certains, un chef-d'oeuvre.
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Les Chorégies offrent un «Faust» en demi-teinte
Christian Merlin, Le Figaro, 4 August 2008

Malgré une belle distribution, avec notamment Roberto Alagna, la mise en scène de Nicolas Joel, efficace mais paresseuse, ne convainc pas totalement.
On dit souvent qu'on ne change pas une équipe qui gagne. En 1990, le chef Michel Plasson et le metteur en scène Nicolas Joel avaient monté, à Orange, un Faust qui leur avait valu le prix du meilleur spectacle lyrique de l'année, décerné par le Syndicat professionnel de la critique dramatique et musicale. Dix-huit ans après, le miracle ne s'est pas reproduit. Non que leur production soit indigne, tant s'en faut, mais le public toujours aussi nombreux et bigarré qui se masse sur les gradins du Théâtre antique d'Orange n'est pas ressorti avec le sentiment d'avoir vécu un moment exceptionnel.

Il faut dire que ce Faust est décidément bien difficile à réussir aujourd'hui. Encore un pilier du répertoire des théâtres français il y a trente ans, l'opéra de Gounod relève aujourd'hui d'un genre typique de la société du Second Empire, dont on a en partie perdu les codes. Pour le metteur en scène, une alternative : le prendre au premier degré et en assumer le risque de kitsch, proche de l'art pompier, ou en livrer une lecture critique qui permettrait d'en retrouver la force sans exclure l'ironie.

Pour les Chorégies, Nicolas Joel a réglé un spectacle fonctionnel, efficace mais paresseux, devant les grandes orgues monumentales qui évoquent immédiatement le XIXe siècle triomphant et l'omniprésence du sabre et du goupillon à l'époque Napoléon III. La mise en scène reste au milieu du chemin : la transposition à l'époque de la composition de l'ouvrage est désormais classique, mais sans la distance suffisante, elle tombe dans la lourdeur qu'elle voulait éviter. Équilibre délicat, en vérité !

Un mouvement à la limite de l'alanguissement

Les applaudissements pour le moins tièdes qui ont accueilli Roberto Alagna sont aussi injustes qu'inhabituels. Peut-être le public lui a-t-il tenu rigueur d'un contre-ut hasardeux, ou d'une puissance vocale limitée. Mais qui d'autre offrirait aujourd'hui dans le rôle-titre une telle élégance de ligne et une diction d'une telle clarté, même si l'acteur est toujours aussi conventionnel ?

Inva Mula chante Marguerite non avec trois voix, comme on le dit souvent, lyrique, dramatique et colorature, mais avec la sienne, tout en nuances et en délicatesse. Irrésistible wagnérien, René Pape n'est pas encore tout à fait à l'aise en Méphisto, tant à cause de la tessiture que de la langue. Jean-François Lapointe est un Valentin d'un beau métal, sans mièvrerie, Marie-Nicole Lemieux une Dame Marthe impayable et savoureuse, véritable luxe pour un rôle aussi court, mais on persiste à préférer Siébel chanté par une mezzo et non par un ténor.

Contesté il y a quinze jours dans Carmen pour la lenteur de sa direction, Michel Plasson confirme son goût pour un mouvement à la limite de l'alanguissement, mais ce tempo modéré est aussi l'occasion pour lui de mettre en valeur tout le raffinement de la musique de Gounod ; le Philharmonique de Radio France en devient scintillant, avec des bois aériens et des cordes transparentes. La partition retrouve alors une finesse qui l'éloigne de tout académisme pompeux.
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