REVIEWS Aida, Chorégies d'Orange, July 2005 |
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Roberto Alagna (Radamès) & Indra Thomas (Aida) «Aida» à Orange, Le Soir, 10 July 2006 Alagna triomphe sous le nouveau toit d'Orange, Le Figaro, 10 July 2006 Aida ouvre les Chorégies d'Orange, Nouvel Observateur, 10 July 2006 Le joyeux désordre d'Aïda, Le Monde, 11 July 2006 Opéra populaire : Aida de Giuseppe Verdi, Les Echos, 13 July 2006 Orange revêt ses habits d'opéra, L'Humanité, 11 July 2006 Chorégies d'Orange Teatro romano: Aida, Alessandro Mormile for OperaClick, July 2006 [external link] _______________________________________________________________ |
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Opéra: «Aida» à Orange Serge Martin, Le Soir, 10 July 2006 Indra Thomas plus que Roberto Alagna Six productions en 35 ans de Chorégies : Aida est incontournable à Orange. L'opéra égyptien de Verdi n'a pas son pareil pour rassembler les foules vibrantes au Théâtre Antique. La scène du triomphe convient à merveille aux déploiements de foules chorales qui caractérisent ces grandes fêtes populaires. Seul reproche à apporter à une production qui s'impose par sa noblesse et sa grandeur : un ballet vulgaire et ringard. Le metteur en scène marseillais Charles Roubaud a déjà signé une Aida dans ces lieux en 1995. Il vise cette fois une sobriété révélatrice : déplacements fluides et d'une grande dignité des masses chorales, subtile symphonie des couleurs, belle vision d'un retour du général victorieux dans une barque solennelle reconstituée par des figurants comme un grandiose tableau. La direction de Roubaud humanise le propos sans rien lui ôter de sa solennité : un travail qui culmine dans une très sobre scène finale où les deux amants sont enfermés vivants dans un tombeau. Dans la fosse, Michel Plasson tient prudemment les rênes du spectacle, très attentif à servir les chanteurs dans des tempos hélas un peu lents. Car Aida, ce sont aussi des voix, souvent grandes et fortes. Tout le monde attendait le Radamès de Roberto Alagna, le chanteur lige d'Orange. La voix n'a sans doute pas toute la décharge dramatique qu'impose le personnage du général égyptien mais le timbre est bien là rayonnant, soutenu par une diction exemplaire. Il apporte au rôle un surcroît de lyrisme et d'humanité qui bouscule la tradition. Ce n'est par contre le cas ni de l'Amneris conventionnelle de Marianne Cornetti, ni du poussif Roi d'Egypte de Daniel Borowski, seul le Grand-Prêtre hiératique d'Orlin Anastassov venant renforcer le clan des Egyptiens. Car il faut bien l'admettre, samedi soir à Orange, la palme est revenue aux Nubiens, juste revanche de l'histoire. Superbe et mordant Amonastro du baryton coréen Seng-Hyoun Ko, révélé à l'ORW dans Rigoletto, et surtout somptueuse Aida d'Indra Thomas : son chant s'impose par la douceur de ses aigus filés, la souplesse de ses phrasés ensorcelants, le naturel de sa prestation. Indra Thomas, retenez ce nom, vous n'avez pas fini d'en entendre parler. Alagna triomphe sous le nouveau toit d'Orange Jean-Louis Validire, Le Figaro, 10 July 2006 Les Chorégies se sont ouvertes samedi soir, avec la représentation d'« Aïda » de Verdi. Le public était au rendez-vous du théâtre antique, dont le mur était couvert de son nouveau toit, et a fait un triomphe à Roberto Alagna qui interprétait le rôle de Radamès. Il était au coeur de toutes les conversations, l'objet du premier regard des spectateurs qui pénétraient ce samedi soir dans le théâtre antique. Le toit de scène qui surmonte désormais le mur d'Auguste, « la plus belle muraille du Royaume », pour reprendre l'expression de Louis XIV, avait-il une nouvelle fois subi les outrages des barbares ? Avec une moue dubitative, la plupart des commentateurs qui gagnaient les gradins estimaient que cette nouvelle parure, rendue nécessaire par la chute intempestive de pierres, n'était certes pas bien jolie mais que cela aurait pu être bien pire. Les premiers airs entonnés par les chanteurs calmaient les dernières craintes, la prodigieuse acoustique n'était pas affectée. Tout était en place pour la fête. Nicolas Sarkozy et son épouse, flanqués du ministre de la Culture, faisaient une entrée discrète ; De nombreuses personnalités, de droite et de gauche - la musique adoucit les moeurs et rassemble les coeurs -, se pressaient dans l'espace réservé par la Caisse des dépôts et consignations. On les reconnaissait à leur tenue austère - la cravate et le costume ne sont guère de mise dans les festivals d'été - et aux petits pliants que leur fournissait leur hôte pour protéger leurs séants des rigueurs de la pierre romaine. Verdi leur a offert, en tout cas, une belle méditation sur le pouvoir et l'amour, qui place la roche Tarpéienne si près du Capitole... Roberto Alagna retrouvait, en vieil habitué, la scène du théâtre antique. Don José de Carmen, il y a deux ans, Rodolfo de La Bohème, l'année dernière, il sera Manrico du Trouvère, l'année prochaine. Une omniprésence que personne ne regrette, et surtout pas le public, qui lui fait une ovation dès la fin du premier air où il exprime son amour pour l'esclave éthiopienne Aïda. Alagna est de retour. Oubliée, son escapade dans l'univers de Luis Mariano, les petits ennuis de santé sont loin derrière ; le timbre est toujours aussi clair, la diction impeccable. Radamès n'est peut-être pas le rôle qui lui convient le mieux, mais il le défend avec une virile vaillance et une assurance vocale qui suscitent à juste titre l'enthousiasme. Une mise en scène efficace Autre grande voix de la distribution, celle du Coréen Seng- Hyoun Ko, remarquable baryton, puissant et musical, qui montre une belle technique dans l'articulation et la diction. Les deux rôles féminins sont tenus par deux cantatrices américaines. Marianne Cornetti s'attaque au rôle écrasant d'Amneris, la fille du pharaon, avec un bonheur inégal. À l'aise dans le médium, elle est moins convaincante dans les aigus et l'imprécation. Indra Thomas campe une Aïda au port altier, dont l'expression souffre peut-être d'une trop grande application. Elle montre cependant de belles qualités en gardant une ligne de chant très souple. La basse bulgare Orlin Anastassov est un Ramfis très convaincant, ce qui n'est pas le cas de Daniel Borowski, complètement inexistant en roi d'Égypte. Les chanteurs sont soutenus plus qu'aiguillonnés par l'Orchestre national de Lyon sous la baguette de Michel Plasson, autre vieux briscard d'Orange. Orfèvre dans la conduite des opéras, il accompagne et souligne sans donner un véritable souffle à l'opéra, même si les couleurs de l'oeuvre, son atmosphère orientale sont bien caractérisés. Opéra fétiche d'Orange qui en a donné plusieurs représentations, Aïda pose de nombreux problèmes de direction sur une scène aussi vaste. Si la victoire de Radamès se prête à une exploitation qu'offre l'espace du théâtre antique, les duos ou trios plus intimes, qui constituent la majorité de l'oeuvre, sont plus difficiles à organiser dans l'espace. La mise en scène de Charles Roubaud est le plus souvent efficace ; c'est notamment le cas lors du triomphe de Radamès à Memphis. Dans un tableau saisissant, le guerrier fait son entrée sur une embarcation dont les figurants, rameurs et soldats, dessinent une coque humaine entre une proue et une poupe sculptée. En revanche, on reste pantois devant le ballet dont la chorégraphie est due à Brice Mousset, un exercice de gymnastique effectué par des Nubiens costumés en Indiens d'Amérique. Une fausse note dans une production par ailleurs efficace, notamment dans l'utilisation des projections de hiéroglyphes sur le vénérable mur d'Auguste. "Aida" ouvre les Chorégies d'Orange Nouvel Observateur, 10 July 2006 L'opéra de Verdi a inauguré le festival de musique lyrique avec ses fidèles, dont le ténor Roberto Alagna. L '"Aida" de Verdi a inauguré avec succès samedi 8 juillet au soir les Chorégies d'Orange. Une production novatrice et sobre qui consacrait trois grands artistes de la musique classique : le chef Michel Plasson, le ténor Roberto Alagna et le metteur en scène Charles Roubaud. Près de 8.500 personnes, dont les ministres de l'Intérieur Nicolas Sarkozy et de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, ont assisté à la représentation magnifiée par son cadre. Le célèbre théâtre antique de la ville et son mur acoustique ont été dotés par l'Etat d'une toiture de verre et d'acier pour le protéger des intempéries. Dès les premières notes par l'Orchestre national de Lyon, on a pu constater que la nouvelle installation au dessus du mur n'atténuait pas la qualité de l'acoustique du lieu. Force vocale La même réussite est attendu le 11 juillet, pour la deuxième et dernière représentation de cet ouvrage connu pour ses fameuses trompettes. Roberto Alagna, pour la huitième fois depuis 1993 au festival, incarne le général Radamés qui, au temps des pharaons égyptiens, revient dans son pays, après sa victoire sur les Ethiopiens. Sans avoir de façon continue une projection vocale suffisante, le ténor emporte malgré tout l'adhésion par son style. La soprano noire Indra Thomas et la mezzo Marianne Cornetti, campent respectivement Aida et Amnéris, toutes deux avec une force vocale impressionnante. Bien dirigées, elles illustrent la rivalité entre Aida, esclave éthiopienne mais fille du roi de son pays et Amnéris, fille du pharaon, toutes deux amoureuses de Radamès. Pour ce dernier rôle. Autre habitué du festival : Michel Plasson, affiché pour la douzième année par les Chorégies depuis 1990. Dans cet "Aida", il a su assurer la continuité du discours musical et maintenir parfaitement le dialogue entre orchestre et voix solistes et des choeurs. Ampleur Quant à Charles Roubaud, celui qui a fait ses débuts aux Chorégies en 1995 avec "Aida", renoue avec cette nouvelle production pour la sixième fois. Evitant le genre péplum hollywoodien, il a su donner, grâce notamment à la scénographe Emmanuelle Favre et la costumière Katia Duflot, une ampleur indispensable pour rendre compte de la foule des prêtres, ou des soldats. Le point d'orgue de cette Aida explose sans nul doute au moment du triomphe de Radamès : une barque délicatement suggérée vogue sur les flots représentés par les mouvements fluides des jupes des danseurs. Côté décor, le mur du théâtre est agrémenté de portes rappelant les lignes des monuments égyptiens. Des animations vidéos (motifs empruntés aux fresques tombales, figures plus abstraites mais symboliques) sont par ailleurs projetées sur la pierre. A dix mille dans l'intimité d'Aida, à Orange Martine D. Mergeay, La Libre Belgique, 13 July 2006 Une direction un peu moite (35 °) de Plasson. Mais un quatuor de tête fabuleux. Le piège tendu par «Aida» -opéra commandé à Verdi par le Khédive d'Egypte, pour l'inauguration de l'opéra du Caire, et créé en 1871- concerne sa double dimension, intimiste et pharaonique. L'intrigue psychologique y est essentielle, les scènes en solo, duo ou trio d'ailleurs majoritaires, mais le metteur en scène n'échappe pas -sous peine d'émeute- à quelque scène pour grands ensembles, en tête desquelles le fameux triomphe de Radames, général en chef des armées du roi d'Egypte, revenant victorieux de sa campagne contre les Ethiopiens et ramenant, parmi les prisonniers, le père d'Aida, la belle esclave élue de son coeur. Pour la production donnée les 8 et 11 juillet au théâtre antique d'Orange, les Chorégies eurent la bonne inspiration de refaire appel à Charles Roubaud, qui signa (notamment) un «Nabucco» donné dans les mêmes lieux, qui fit date par sa simplicité, sa beauté plastique et son haut pouvoir d'expression. Intimité ou gigantisme? Roubaud se joue de la difficulté -sachant qu'à Orange, mettre 300 personnes sur le plateau est une faribole alors que donner de la substance dramatique à un chanteur lilliputien perdu au pied du Mur relève de l'exploit, et bien sûr du grand art. La force du visuel, limité au jeu des projections et des lumières (Gilles Papain et Vladimir Lukasevitch), et la beauté des costumes ne sont pas étrangères à cette réussite et on sait gré à Katia Duflot d'avoir opté pour des costumes intemporels et stylisés (monochromes pour la plupart), au grand pouvoir d'évocation, bougeant et vivant au gré des déplacements des acteurs et du vent soufflant sur la colline (réduit à rien, le soir du 10, on était presque fondu de chaleur). L'ombre au tableau fut ce triomphe tant attendu, pour lequel le chorégraphe Brice Mousset (pourtant si poétique dans l'acte d'Amneris) jugea bon de couvrir le plateau d'une «horde sauvage», mi-punk mi-sioux, objectivement très laide, renvoyant à la hideur de la guerre et la violence des combats. On saluera quand même l'arrivée sensationnelle de Radames, en galère s'il vous plaît, dont les rames assuraient la majestueuse progression sur les flots par la seule grâce des danseurs... Du côté de la musique, la lenteur des tempos de Michel Plasson faillit perdre chanteurs, orchestre et public (il paraît que c'était pire le 8). Difficile à expliquer autrement que par l'écrasante chaleur, quand on sait que, dans le même contexte et avec le même chef, on entendit des «Carmen» filer comme le vent... Quant à la distribution, elle rassemblait quatre chanteurs (au moins) fabuleux, à commencer par l'Américaine Indra Thomas, tenante du rôle titre, silhouette digne de Niki de Saint-Phalle, visage sublime, et voix en rapport; musicalité, noblesse, ferveur, engagement, si l'on pardonne une certaine fatigue en fin de course, elle est une Aida de légende. En Amneris, côté mythique en moins, solidité en plus (et autant de rondeurs...), sa compatriote Marianne Cornetti, mezzo, ne fut pas de reste. Avec le Coréen (frotté d'Italie), Seng-Youn Ko, Amonastro, on découvre un formidable baryton-basse chez qui voix, technique et énergie soulèvent le plateau et les foules. Mais ce fut le fils du pays (ou de pas loin) Roberto Alagna qui gagna à l'applaudimètre, remercié par le public pour son immense talent, la beauté de sa voix, sa générosité, sa capacité bouleversante de chanter pour chacun, de coeur à coeur. Farandole, bain de foule, poignées de mains et embrassades mirent le point final à cette chaude soirée... Le joyeux désordre d'"Aïda" Renaud Machart, Le Monde, 11 July 2006 Il est assez secouant, en termes de "jet lag" stylistique, de passer d'une soirée intime dans le petit Théâtre du Jeu-de-Paume, à Aix-en-Provence, mise en scène par Klaus Michael Grüber (Le Monde daté 9-10 juillet), à un péplum dans l'immense Théâtre antique d'Orange, où se donne, pour deux représentations (devant plus de huit mille spectateurs chaque fois) Aïda, de Verdi, mis en scène par Charles Roubaud. Roubaud est un habitué des grandes manoeuvres lyriques. Il est le premier à savoir qu'il n'est pas Grüber et que tenter de faire du Grüber, c'est-à-dire du théâtre, en ces lieux gigantesques serait une erreur fatale. Cependant, il évite l'autre piège, celui du remplissage par peur du vide. On lui reprochera simplement d'avoir laissé venir s'ébattre dans un joyeux désordre un ballet musclé et girond mais très couci-couça. Les artistes poids plume ne passent pas la rampe visuelle. Aussi, les deux dames assez plantureuses (on aurait dit Jessye Norman et Montserrat Caballé jeunes) qui chantaient Aïda et Amnéris prenaient-elles leur majestueuse ampleur devant l'immense mur du Théâtre de plein air. Beaux pianissimos (mais tenue de voix variable) pour Indra Thomas (Aïda), projection et présence du tonnerre pour Marianne Cornetti (Amnéris), tout buste et gosier déployés. Roberto Alagna (Radamès), qui a prétendu qu'il "se fichait" de qui serait son Aïda, dans un entretien au magazine Diapason de juillet, lui a pourtant claqué la bise. Leur duo final était, il est vrai, d'une grande beauté. Alagna excelle dans l'expression élégiaque, mais il manque, en ces lieux immenses, de cette noirceur pugnace qu'a le timbre du baryton coréen Seng-Hyoun Ko (Amonastro), boule d'énergie vocale assez stupéfiante. Michel Plasson tire des couleurs ambrées de l'Orchestre national de Lyon. Le résultat n'est pas toujours précis, mais sa chaleur et sa générosité sont contagieuses. Et le toit, le fameux toit qui vient d'être ajouté au dessus du mur de scène du théâtre d'Orange, afin de le protéger des intempéries ? Les avis sont partagés : pour certains, les voix y gagneraient en projection, pour d'autres ce serait l'orchestre. Il y en a même pour dire que l'homogénéité est plus grande. Pour notre part, on n'aura constaté aucune différence fondamentale. Mais pourquoi les architectes ont-ils construit ce qui, vu du dessous, ressemble à un vilain toit de tôle ondulée ? Opéra populaire : Aida de Giuseppe Verdi Michel Parouty, Les Echos, 13 July 2006 Un spectacle intelligemment pensé, qui peut séduire tous les publics. Représentation du 11 juillet. Il est des soirs, à Orange, lorsque le mistral se manifeste, où l'on crève de froid. D'autres, en revanche, où la chaleur est accablante. Comme pour cette deuxième et dernière représentation d'« Aïda ». En haut du fameux mur, un toit transparent protège désormais la scène. Le plateau, lui, est toujours aussi long et large. Charles Roubaud fait partie de ces metteurs en scène trop modestes, qui pourtant possèdent un métier qui va bien au-delà du simple savoir-faire. Il ne tente pas le diable pour réussir l'impossible. Dans un espace aussi gigantesque, comment fouiller la psychologie des personnages ? Elle est tracée à gros traits, et l'on n'a pas toujours l'impression que Radamès et Aïda sont fous d'amour. Mais chaque tableau est réglé avec soin, et le célèbre « triomphe » constitue l'apothéose d'un spectacle intelligent, remarquablement conçu - le bateau qui ramène Radamès vainqueur vogue sur des flots évoqués par des figurants manipulant des tissus bleus, c'est étonnant et superbe. A chaque instant, le goût de Roubaud est évident, comme celui de son habituelle complice, la costumière Katia Duflot. De plus en plus, la vidéo s'impose dans le monde lyrique ; il s'en sert avec pertinence, dans des projections - hiéroglyphes, bas-reliefs... - qui animent le cadre naturel déjà somptueux. Du grand spectacle, certes, dans lequel la chorégraphie de Brice Mousset s'intègre aisément, mais sans concession, sans facilité, efficace, élégant, propre à séduire les plus néophytes et à redonner sa noblesse au mot populaire. Alagna à son maximum Au pupitre de l'Orchestre national de Lyon, Michel Plasson est direct, carré - presque trop. Très théâtrale, sa direction pourrait être plus chaleureuse, plus souple. Elle suit son chemin, non sans quelques décalages avec les choeurs. Ce Verdi sombre et dramatique s'éclaire, pourtant, à partir du troisième acte, il récupère son lyrisme en même temps que les sentiments s'épanouissent. La formation lyonnaise est percutante, bien timbrée, sa petite harmonie est très présente, et son énergie n'exclut pas les nuances. Le Ramfis d'Orlin Anastassov se distingue davantage que le Roi de Daniel Borowski, et la Prêtresse de Marie-Paule Dotti n'est pas négligeable. Les principaux protagonistes, eux, se doivent d'assurer vaillamment des emplois qui exigent, vocalement, endurance et flexibilité. Marianne Cornetti est une Amneris très soucieuse de sa musicalité ; jamais elle ne force son chant, et son personnage en est d'autant plus émouvant. La sculpturale Indra Thomas campe une Aïda nuancée ; le grain très particulier de sa pâte vocale peut séduire, mais sa puissance est restreinte et son intonation parfois imprécise. Roberto Alagna, fidèle des Chorégies, chante pour la première fois en France un rôle qu'il convoitait et a abordé à Copenhague lors de la saison 2004-2005. Le geste large, il est un héros au grand coeur qui commence prudemment, joue davantage sur l'émotion que sur le panache. La ligne de chant et la diction sont toujours impeccables ; le timbre s'est assombri, semble par instants aminci, mais retrouve toute sa lumière dans le duo final. On sent toutefois l'interprète au maximum de ses moyens. Seng-Youn Ko n'a aucun problème avec Amonasro, auquel il prête une voix de bronze, fermement projetée. Galvanisant ses partenaires, il entraîne vers le succès cette « Aïda » de bon aloi. Le public est ravi, et le fait savoir. Orange revêt ses habits d'opéra Philippe Gut, L'Humanité, 11 July 2006 Chorégies . Samedi s'est jouée Aida de Verdi, dans un théâtre flambant neuf. Le 21 juin, fut inauguré le toit qui doit désormais protéger le célèbre mur du théâtre antique d'Orange des agressions de la pollution contemporaine ; lui qui avait résisté aux assauts du temps depuis deux millénaires était menacé de ruine à brève échéance. Au terme de dix ans d'études et de travaux, la nouvelle couverture de scène (le « proscenium » des Romains) a été mise en place. Ce toit de 1 000 mètres carrés, d'un poids total de 200 tonnes, est en verre, doublé d'une membrane acoustique, soutenu par une poutre d'acier de 70 mètres de long. Coût de l'opération : 5 millions d'euros financés à 50 % par l'État, à 45 % par la région PACA et le département de Vaucluse et... à 5 % par la ville d'Orange. Le maire (villiériste), Jacques Bompard, avait omis d'inviter à l'inauguration les représentants des chorégies qui font la gloire de cet édifice, leur directeur général et leur président (en outre député de la circonscription), son ennemi intime, Thierry Mariani (UMP). La véritable inauguration eut lieu ce 8 juillet avec une représentation extraordinaire d'Aida, l'opéra de Verdi le plus populaire (c'était la 10e fois qu'on le montait à Orange) dans une réalisation digne d'éloges de Charles Roubaud. Sa qualité première était d'exalter le mur et de faire oublier son toit qui ne nuisait nullement au spectacle féerique se déroulant sous les yeux éblouis des spectateurs. Une mise en scène dépouillée, s'inscrivant dans une scénographie architecturale d'Emmanuelle Favre, en parfait accord avec le cadre sous les sombres lumières d'une grande sobriété de Vladimir Lukasevitch. Le fameux mur lui-même était un élément essentiel du décor sur lequel des projections géantes subtilement animées évoquaient les lieux de l'action. La foule des figurants, les cent dix choristes remarquablement coordonnés par Patrick-Marie Aubert, étaient habillés, tout comme les protagonistes, par Katia Duflot qui sait comme nul autre créer des costumes d'une inventivité, d'une richesse visuelle et d'un goût très sûrs. On sait que, dans cet opéra intimiste, le moment très attendu du grand public est pourtant la scène du triomphe de Radamès ponctué par le défilé des troupes égyptiennes au son des fameuses trompettes, le ballet des esclaves suivi de la libération des prisonniers éthiopiens. On eut là un superbe tableau, magnifiquement dressé (l'arrivée de Radamès sur la barque royale fut un grand moment), éclatant de lumière, riche en couleurs, ponctué du ballet très original et fort bien réglé de Brice Mousset, parfaitement intégré au drame. Quant aux protagonistes, on ne pouvait rêver plus belle - distribution. Certes Roberto Alagna (Radamès) déçut quelque peu : ce soir-là sa voix d'or n'avait pas la vigueur et l'éclat qu'on lui connaît et il manquait d'allant. En revanche, le baryton coréen Seng Hyoun Ko campa un formidable Amonasro et dans des rôles dits « secondaires », mais qu'il faut bien jouer et chanter, Marie-Paule Dotti, Daniel - Borowski et Martial Defontaine étaient excellents. Mais les grandes triomphatrices de la soirée furent les chanteuses américaines Indra Thomas Aida, impériale, émouvante, à la voix d'une subtilité étonnante dans tous les registres, et Marianne Cornetti, Amnéris d'une grande humanité, royale mais aussi amoureuse repoussée et ulcérée, somptueuse mezzo soprano. Et un fabuleux Orchestre de Lyon sous la houlette charismatique de Michel Plasson qui fit merveille. Théâtre antique comble et comblé. |
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